Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais je suis fascinée par le sujet de l’apprentissage de la lecture.
Comme vous le savez peut-être si vous me lisez depuis le début, je me suis formée à la pédagogie Montessori en suivant l’évolution de ma fille. C’est à dire que j’ai commencé par m’intéresser aux enfants de 0 à 3 ans lorsque nous vivions encore aux États-Unis où j’ai appris énormément et je me suis formée à cette pédagogie. Puis lorsque Camille a grandit, j’ai voulu me former toujours avec Montessori aux apprentissages de 3 à 6 ans… Et ce qui m’a le plus bluffé, passionné, c’est la manière dont les enfants apprennent à lire.
Je me documente beaucoup sur le sujet et en apprends encore régulièrement. Naturellement, j’essaye de partager tout cela avec vous, en espérant que le sujet vous parle aussi ! 😊
Abordons donc ce sujet qui me tient à cœur ! Il est important de comprendre les mécanismes de la lecture et ce qui se joue dans notre cerveau pour pouvoir accompagner au mieux les enfants dans cet apprentissage.
Comment lit-on ?
L’apprentissage de la lecture devrait toujours se faire de manière individuelle. En effet, c’est un des apprentissages les plus complexes de l’enfance. Chacun doit avancer à son rythme, chacun ne rencontrant pas les mêmes difficultés. Ainsi, le fait de faire cela dans une salle de classe avec plus de 20 enfants qui doivent avancer au même rythme me semble aberrant…
Cela étant dit, voyons les différents mécanismes engagés pour entrer dans la lecture.
Pour lire, nous devons apprendre la correspondance entre les sons de la langue et les signes graphiques qui ont été inventés par nos ancêtres. On appelle cette correspondance le code alphabétique. Dans la pédagogie Montessori, les enfants commencent en général par écrire, c’est à dire coder les sons en signes graphiques (lettres et graphèmes) puis par lire, c’est à dire décoder les signes graphiques en sons.
La conscience phonémique
Prendre conscience et être capable d’analyser les différents sons (phonémes) qui constituent un mot s’appelle la conscience phonémique.
Par exemple, pour le mot « bateau », Plutôt que de lui dire qu’il se découpe en 2 syllabes, il est préférable de leur montrer qu’on entend différents sons : « b » « a » « t » « o ».
Cela fait partie des compétences fondamentales qui amènent l’enfant vers la lecture. Il est tout à fait possible d’accélérer l’acquisition de la conscience phonémique chez l’enfant en commençant vers 2 ans et demi, 3 ans. Pour cela il suffit de jouer régulièrement à de petits jeux comme « mon petit œil voit« , de chanter des comptines, de trouver des rimes… Tout ce qui fait manipuler les sons prépare la lecture.
Stanislas Dehaene, qui est un psychologue cognitiviste et neuroscientifique français, écrit dans son livre Apprendre à lire :
« La recherche scientifique confirme depuis de nombreuses années que cette démarche reprenant ces deux principes fondamentaux : enseignement explicite du code alphabétique et développement de la conscience phonémique, est de loin la plus appropriée pour tous les enfants, aussi bien les enfants dyslexiques que les enfants ne présentant aucun trouble des apprentissages. »
Dans un mot écrit en français, chaque lettre ou groupe de lettres, qu’on appelle graphème, correspond à un phonème. Nous appelons ces phonèmes qui sont représentés par un groupe de lettres tel que « ou », « on », « ch », des graphèmes complexes. De plus, un même graphème peut se prononcer de multiples façons (« ch » qui peut aussi se prononcer [c] par exemple). Également, un phonème peut correspondre à différents graphèmes (« o », « au », « eau »…) Pour les enfants, apprendre à lire, consiste donc à retenir les associations entre les lettres et les sons, mais également à mémoriser une longue série d’exceptions et de mots irréguliers.
L’association entre le son est la lettre doit donc être explicite. C’est pourquoi les lettres et graphèmes rugueuses sont parfaits !
Ma fille, à 5 ans et demi. Elle est entrée au CP où ils apprennent à lire avec une méthode mixte, qui allie des approches phonétique, syllabique et globale (un mot est vu et revu jusqu’à devenir suffisamment familier pour être reconnu instantanément). Or, les neuroscientifiques et les cognitivistes préconisent strictement le mode opératoire linguistique phonétique tel que dans la pédagogie Montessori. La « méthode globale » d’apprentissage de la lecture est condamnée par eux à ne pas bien fonctionner et entrainerait des lacunes dans la compréhension des textes lus. D’ailleurs, cette méthode est sensée avoir été abandonnée par l’éducation nationale depuis plus de vingt ans…
Je suis, personnellement bien contente que ma fille soit entrée dans la lecture à 4 ans avec la méthode Montessori ! Et c’est ce que je souhaite maintenant pour Charlie qui vient d’entrer dans une maison des enfants Montessori. Je les accompagne également à la maison avec du matériel Montessori car il est essentiel que tout ne se limite pas à la salle de classe et que les parents jouent un rôle dans les apprentissages.
Revenons-en aux lettres, si nous ne donnons pas à l’enfant le son qui leur est associé, il pourra reconnaitre la lettre écrite mais il ne sera pas capable de donner le son qu’elle produit… Cela est pourtant évident mais encore beaucoup d’enfants apprennent à lire de manière globale et cela leur demande un très gros effort car on leur demande de deviner, de déduire, à la longue, le son de chaque lettre en voyant des mots différents. Car il n’y a que de cette manière, en connaissant le son de chaque lettre, que l’on peut déchiffrer et lire un texte inconnu.
Ici encore, Stanislas Dehaene, écrit dans son livre Apprendre à lire :
« Les enfants à qui l’on enseigne explicitement quelles lettres correspondent à quels sons apprennent plus vite à lire et comprennent mieux l’écrit que d’autres enfants à qui on laisse découvrir le principe alphabétique. »
C’est un d ou un b ??
Alors, il est tout à fait normal, avant 7 ans, que les enfants confondent certaines lettres en script comme le « b » et le « d » ou le « p » et le « q ». De la même façon qu’ils peuvent nous surprendre à écrire leur prénom comme s’ils regardaient dans un miroir. (Camille a fait ce dessin avec son prénom écrit à l’envers à 4 ans, exactement à la période où elle commençait à lire. Mais si l’enfant apprend à lire vers 5 ou 6 ans alors il fera ce genre de chose à 5 ou 6 ans).
L’explication, d’après les chercheurs qui ont analysés les images cérébrales, est que la partie du cerveau utilisée pour l’apprentissage des lettres est la même qui sert à identifier et reconnaître les personnes, les visages, les objets ou les formes géométriques… C’est ce qui leur permet de reconnaître leurs parents qu’ils les voient du profile gauche, du profile droit ou de 3/4… Lire n’est pas une activité naturelle et l’écriture est une invention trop récente dans l’histoire de l’humanité pour avoir pu influencer l’évolution de notre cerveau. Cependant avec beaucoup d’efforts, nous sommes capables de recycler une partie du cortex visuel de notre cerveau pour devenir des lecteurs experts. Cette partie du cerveau est donc en pleine évolution à l’âge où nous apprenons à lire, elle ne peut pas s’empêcher de juger que des vues symétriques en miroir correspondent à un seul et même objet. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir lorsque l’enfant confond les lettres symétriquement opposées, tous les enfants passent par cette phase plus ou moins longue.
D’après Stanislas Dehaene : « Le geste d’écriture a également d’autres vertus. Il oriente l’enfant dans l’espace, en lui faisant bien comprendre que la chaîne de lettres doit être lue de gauche à droite. La reconnaissance du geste joue également un rôle essentiel dans le déchiffrement de l’écriture manuscrite. »
C’est pourquoi apprendre à écrire accélère l’apprentissage de la lecture.
Le vocabulaire, plus on en a, plus c’est facile !
Ensuite, une fois que l’enfant sait décoder et entre dans la lecture, il y a une partie déductive où le cerveau va analyser les sons qu’il vient de décoder pour les associer à un mot. Si l’enfant a un vocabulaire riche alors il comprendra tout de suite les mots qu’il lit. Si malheureusement son vocabulaire est pauvre, il aura du mal à déduire les mots qu’il décode et ne sera plus vraiment intéressé par la lecture.
Il est donc primordial de beaucoup parler aux enfants, avec un vocabulaire riche, précis et non simplement un langage « enfantin » et cela dès la première année de vie. L’enfant est capable de tout absorber, mais malheureusement si nous simplifions trop les choses, pensant que ce n’est peut-être pas à sa portée, il sera difficile par la suite de rattraper le retard.
Il faut lire quotidiennement des livres, raconter des histoires aux enfants, leur montrer des images et entamer une discussion autour d’un thème. De la même manière, il faut prendre le temps pour laisser l’enfant exprimer sa pensée, ne pas terminer ses phrases mais lui apporter le vocabulaire qui lui manque si c’est nécessaire. On peut reformuler ce que nous avons compris et lui demander si c’est bien ce qu’il a voulu dire. Tout ce travail d’enrichissement du vocabulaire est primordial pour pouvoir entrer dans une lecture dynamique. Et ensuite c’est le fait de lire qui continuera d’enrichir leur propre vocabulaire.
Comment faciliter l’automatisation de la lecture ?
Une fois adulte, nous ne déchiffrons plus les mots, nous balayons le texte avec nos yeux, nous en sautons même certains et les mots ainsi que leur sens sont reconnus instantanément par notre cerveau. C’est ce que l’on appelle la lecture automatique. Nous pouvons faciliter cette automatisation de la lecture par une pratique quotidienne. La compréhension des textes écrits par les adolescents dépend de la fréquence et de l’intensité des lectures de l’enfance.
Évidemment, avec la pédagogie Montessori, et plus précisément avec le matériel Montessori, il y a une chronologie logique à respecter. Ce qui est facilement applicable dans une classe d’enfants d’âges multiples ou à la maison. Ceci l’est moins dans une école publique où tous les enseignants n’appliquent pas la méthode et ont des classes à un seul niveau… Car le processus d’entrée dans la lecture est progressif et se fait sur plusieurs années entre 3 et 6 ans, cela demande donc un suivi.
Mais je sais que de nombreuses enseignantes et enseignants me lisent et je leur tire mon chapeau car je sais qu’ils donnent le meilleur avec des moyens limités. Bravo et surtout continuez ! 😊❤️ Je dis cela aussi pour faire comprendre aux parent que c’est leur rôle de plonger le nez dans cet apprentissage. Vous pouvez assurer ce suivit et accompagner votre enfant au quotidien avec de petits jeux, en lisant et faisant lire votre enfant quotidiennement en choisissant des sujets de lecture qui le passionnent.
Si vous avez aimé cet article et que vous voulez en savoir plus sur le matériel Montessori, je vous invite à lire ces articles : Comment les enfants de 4 ans apprennent à lire et à écrire avec la méthode Montessori ?
Objets miniatures – Introduction à la lecture avec Montessori
Pourquoi apprendre directement la cursive avec Montessori ?
N’hésitez pas à le liker 👍 et le partager pour qu’il parvienne à d’autres parents qui seraient intéressés. Je vous souhaite une très belle journée, profitez bien de vos enfants car un jour ils seront grands ! 😉
Article agreable à lire, je n’ai presque pas sauté de mots. Merci
Nous allons commencer « mon petit oeil voit ». C’est un exercice interessant pour les petits et les grands mais pas si évident pour les novices.
Oui, il faut le faire très souvent avec des objets. Tu peux commencer avec deux seulement et qui commencent pas des sons bien différents.
Chouette article ! Mon fils de deux ans et demi a fait sa première rime l’autre jour, et a trouvé ça rigolo. Je me demandais justement s’il commençait à être sensible aux sons (pardon, aux phonèmes devrais-je dire !), et que c’était probablement une des (nombreuses) étapes vers l’écriture. J’essaierai le jeu de « mon petit oeil voit » pour voir s’il y est sensible ou pas tiens 🙂
C’est super ! il faut faire ces petits jeux le plus souvent possible ! 🙂
Bonjour’
Je ne suis pas sûre que la méthode globale, associée à d’autres, soit si mauvaise que ça. Mon fils a appris à lire tout seul à l’âge de 4 ans. Il a mémorisé plein de mots et semble utiliser la méthode globale pour lire.
J’en déduis donc que nous sommes tous différents et avons chacun une méthode qui nous convient le mieux.