Je ne sais pas si je l’ai déjà dit mais la chose qui me passionne le plus avec la méthode Montessori, c’est la manière dont les enfants se mettent à écrire et à lire de manière spontanée. Je trouve qu’il y a quelque chose de magique là-dedans et les matériels qui me fascinent le plus sont les lettres rugueuses principalement et ceux qui servent à l’apprentissage de la lecture.
Je suis totalement convaincue que la meilleure façon d’apprendre à écrire et à lire se fait avec le matériel Montessori !
Avant d’écrire ce blog, j’étais assez présente sur certains gros groupes Facebook dont le sujet principal est la pédagogie Montessori et je répondais à énormément de questions. Cette question revient souvent : « Vaut-il mieux apprendre en premier les capitales, les cursives ou le script ? Et pourquoi ? »
La méthode classique
Encore aujourd’hui, avec la méthode classique, les enfants apprennent à écrire en suivant une progression qui commence par des tracés bâtons puis des courbes avant de pouvoir tracer les lettres en entier en capitale. C’est à dire que l’on commence par les traits les plus simples pour arriver aux traits les plus complexes, on fait donc une analyse des signes alphabétiques.
On a sûrement décrété que les signes cursifs étaient trop complexes pour un enfant de 4 ans, car c’est habituellement en moyenne section que l’on introduit les lettres.
La méthode Montessori
Au contraire, avec la méthode Montessori, on ne considère pas les signes alphabétiques comme des objets. De ce fait, on va tout d’abord analyser les mouvements que doit faire la main pour pouvoir tracer les cursives.
Ainsi, par le biais d’exercices passionnants de vie pratique pour l’enfant de 3 ans, il va s’exercer aux différents mouvements qui lui seront nécessaires pour écrire. Ces exercices ne sont pas de l’écriture à proprement parlé.
On trouvera donc tout un tas d’activités comme laver la table, astiquer des cuivres, nettoyer un miroir et il y en a encore beaucoup, qui vont nécessiter de faire avec le poignet des mouvements circulaires (boucles), des pressions avec la pince à 3 doigts…
Nous amenons donc l’enfant à écrire par des voies indirectes.
Parallèlement à cela, nous éveillons l’enfant sur un plan sensoriel au travers du matériel élaboré par Maria Montessori. Reconnaître les sons, les formes, la discrimination visuelle et tactile, etc. Et nous préparons également la légèreté de la main ainsi que la sensibilité au toucher.
Toute cette préparation est essentielle. Une fois que l’enfant s’est longuement exercé à exécuter indirectement tous les gestes qui mènent à l’écriture, alors l’écriture de signes cursifs ne présente plus aucune difficulté.
« L’idée de la préparation indirecte des capacités motrices m’est venue en observant une fille de 12 ans, déficiente, qui avait un mouvement et une force de la main tout à fait normaux, mais qui cependant ne parvenait pas à apprendre à coudre, même si on lui enseignait avec persévérance ce qu’il y a de plus simple, comme faufiler ou faire des ourlets. J’ai donc proposé à la jeune fille le tissage de Fröbel, qui consiste à entrelacer de manière transversale des bandelettes de papier, glissées dessus-dessous sur un métier à tisser. Quand elle a bien su faire ce tissage, je l’ai mise à coudre et j’ai observé qu’elle le faisait facilement et avec un véritable plaisir. Le mouvement de la main avait été préparé à la couture, sans coudre. » Maria Montessori
Il est tout à fait possible d’acquérir une grande adresse à exercer un travail sans ne l’avoir jamais fait directement et le réaliser à la perfection quasiment du premier coup. Cela me fait penser à la préparation sportive. Un joueur de baseball, par exemple, s’entraîne tout d’abord à lancer une balle jusqu’à ce que son geste soit parfait, à frapper avec une batte et aussi à courir le plus vite possible. Ce n’est qu’une fois toutes ces actions maîtrisées qu’il pourra participer à un match de baseball.
Préparer les étapes de l’écriture sans écrire
L’écriture représente plusieurs difficultés que nous pouvons regrouper pour les exercer au travers de différents exercices.
Nous avons donc, tout d’abord, les difficultés mécaniques comme la tenue de l’outil scripteur et le tracé des lettres. Et d’un autre côté, nous avons aussi d’autres difficultés dont l’enjeu est intellectuel, comme reconnaitre les signes graphiques en les associant aux sons pour former un mot qui traduit la pensée.
Pour répondre à cette difficulté, nous utilisons simultanément 3 matériels conçus par Maria Montessori de manière progressive. Il s’agit des formes à dessin, des lettres rugueuses ainsi que de l’alphabet mobile.
Les lettres rugueuses cursives
Nous n’apprenons pas aux enfants les lettres en capitale d’imprimerie comme on peut le voir dans les classes de maternelle classiques. Nous trouvons cela insensé de les faire autant s’exercer à apprendre les lettres d’une certaine manière parce que cela est plus facile à tracer pour enfin, un an après, leur demander d’oublier cela car maintenant ils sont capables de les apprendre en cursives. En France, l’écriture collective reste la cursive, il est évident d’apprendre aux enfants ce que nous, adultes, utilisons dans la vie de tous les jours (personne n’écrit une note ou une lettre en capitale d’imprimerie, à part les enfants de maternelle…).
Lorsque l’enfant commence à faire des dessins plus précis avec les formes à dessin, nous lui présentons les lettres rugueuses. Il s’agit de petites planchettes sur lesquelles sont collées les lettres cursives découpées dans du papier de verre.
L’enfant trace la lettre du bout des doigts comme s’il les écrivait et apprend en même temps le son qui lui est associé.
Si l’enfant a beaucoup pratiqué les exercices préliminaires de vie pratique et sensorielle, alors ses gestes seront sûrs et précis. Si ce n’est pas le cas, alors l’enfant aura du mal à tracer correctement le contour des lettres. Cela permet de comprendre l’importance de la préparation motrice à l’écriture et montre l’immense effort auquel nous soumettons les enfants quand nous leur demandons directement d’écrire sans une éducation motrice de la main.
Une fois que l’enfant connaît les lettres, sait les associer aux sons, écrit des mots avec l’alphabet mobile et s’est entraîné à dessiner avec des gestes précis, alors naturellement, il commence à écrire avec un crayon et du papier. Il peut former des mots qui expriment sa pensée et non copier des mots qu’on lui impose sans qu’il ne puisse les lire.
Pourquoi apprendre le son de la lettre et non son nom ?
Dans les classes maternelles publiques, en plus d’apprendre les lettres en capitale, nous enseignons aux enfants le nom de la lettre et non le son qui lui est associé, et c’est fort dommage !
En effet, pour que la lecture se déclenche naturellement, l’enfant a besoin de savoir que la lettre b traduit le son « bbbbb » et non « bé » sinon il ne peut être capable de lire le mot banane, il essayera de lire béaènaène. Je caricature un peu mais toujours est-il que cela lui met beaucoup de bâtons dans les roues.
Dans la pédagogie Montessori, nous n’appelons jamais une lettre par son nom avant que l’enfant ne sache lire.
Nous n’utilisons pas non plus d’associations syllabiques comme : « bbb » et « aaa » donne « ba ». L’enfant, s’il connaît le son de chaque lettre, pourra ainsi lire directement des mots entiers en déchiffrant et associant toutes les lettres entre elles.
Le passage de la cursive au script pour la lecture
Une fois que l’enfant sait écrire, il va commencer à déchiffrer puis à lire. Nous lui écrivons donc, dans un premier temps, de petites notes en cursives sur de petits billets pour qu’il s’exerce à lire. Et très vite, nous lui proposons des mots tapés en script. Une chose extraordinaire dont notre cerveau est capable, c’est de reconnaître une lettre connue dans n’importe quelle écriture.
Parfois, l’enfant hésitera sur certaines lettres en script comme le « b, p, ou q » mais après nous avoir posé quelques fois la question et que nous lui ayons donné la correspondance de ces lettres, alors il les mémorisera très vite. Si besoin, on peut faire un petit jeu de correspondance des lettres avec un jeu de l’alphabet en cursive et un en script que l’enfant s’amusera à mettre en paire.
Mais comme d’habitude, je vous conseille de faire confiance à votre enfant !
J’espère que cet article vous aura été utile, je vous invite également à lire : Comment les enfants de 4 ans apprennent à lire et à écrire avec la méthode Montessori ?
Et si c’est un sujet qui vous intéresse particulièrement dans la pédagogie Montessori, je vous invite à me le dire en commentaires pour que j’écrive plus d’articles en rapport avec l’écriture et la lecture avec Montessori. N’hésitez pas à liker et à partager si vous pensez que cela peut aider d’autres parents, d’autres maîtresses par exemple, et puis parce que cela me fait toujours plaisir d’avoir un retour positif sur mon travail et de savoir qu’il vous a été utile ! 😉
Merci flora !
Comme toujours, très instructif !
Du matériel testé et approuvé pour cet apprentissage ? Lettres rugueuses ? Formes a dessin ? Alphabet mobile ? Il me semble que tout ce qui existe en dehors des sites « officiels » est de très mauvaise qualité…
Merci Alexandra,
Pour les lettres rugueuses, je conseille de les faire soi-même. Certaines du commerce sont mieux que d’autres cependant mais comme pour moi ce n’est pas « le top » je ne ferai pas de pub, lol. Après pour l’alphabet mobile, c’est assez onéreux de choisir un beau en bois mais je trouve celui de chez Nathan plutôt pas mal pour le prix. Pour les formes à dessin, il me semble important qu’elles soient en métal mais je n’ai pas testé d’autres matériels encore en dehors du Nienhuis. Après, il y a moyen de trouver tout un tas de jeux de graphisme, règles perforées ou autres. L’essentiel serait de varier et de répéter les gestes, en favorisant la concentration.
Merci pour cet article qui tombe a pic puisque je me posais justement la question ! Par contre meme si a la maison nous essayons au max d appliquer la methode montessori ma fille va rentrer en ecole maternelle traditionnelle. Pensez vous que si je commence par lui présentez les cursives avant les majuscules elle ne sera pas perdue a l ecole ? Je me questionne beaucoup quant a la continuité des apprentissages quand on ne fonctionne pas de la meme manière entre l ecole et la maison !
Bonjour, très bonne question ! Alors, je dirais que si elle est intéressée, foncez ! Car à l’école maternelle malheureusement on ne suivra pas son propre rythme mais on attend que ce soit le moment pour tous… En gros, je pense que si vous pouvez devancer l’apprentissage des lettres en commençant par la cursive avant qu’ils n’apprennent les capitales, ce serait le top ! Car le second problème c’est qu’à l’école ils apprennent le nom des lettres et non le son associé et du coup on ne peut pas apprendre à écrire avec ça ! Qu’avec la méthode Montessori, cela donne des enfants qui se mettent à écrire de manière spontanée.
Et puis, il faut vraiment garder en tête que les enfants sont des éponges et absorbent tout. Du coup, si ils apprennent 2 choses différentes simultanément cela ne pose aucun problème, ça apporte juste plus de cordes à son arc. On peut penser que cela ralentit l’apprentissage mais de toute façon d’un enfant à l’autre le temps est très variable donc ce n’est pas prouvé. Comme les enfants qui apprennent plusieurs langues en même temps, cela ne les « perturbe » pas du tout… 🙂
Merci beaucoup pour cet article. La question précédente est très intéressante également.
De mon côté, une question me taraude : puisqu’un enfant est capable d’apprendre plusieurs choses en même temps, pourquoi ne pas lui présenter les trois types d’écritures en même temps : imprimerie (comme on apprend à l’école maternelle ), script (comme dans les livres) et cursive (comme l’écriture usuelle) ?
Bien sûr, pour le script, il ne s’agit pas d’apprendre à l’écrire.
J’avoue que pour moi la continuité pédagogique est très importante et je pense que, même si on peut aller plus loin, pourquoi pas plus vite, il est important de ne pas trop s’éloigner de l’école.
Qu’en pensez-vous ? Le cas échéant, avez-vous des pistes pratiques en ce sens ?
Bonne question !
la période sensible de l’enfant peut être une fenêtre ouverte comme je vois les choses, qui parfois se referme plus ou moins rapidement. Un enfant qui veut apprendre à lire doit commencer par apprendre tous les sons puis tracer les lettres associées, cela prend en générale quelques mois et il ne faut pas lasser l’enfant ou qu’il pense que c’est trop conséquent et abandonne. On fait au plus précis. La cursive est celle que l’on utilise pour écrire. Si l’enfant a bien entrainé sa main avec la vie pratique il sait rapidement tracer la cursive et peut écrire. En parallèle il se sert de l’alphabet mobile. Une fois qu’il sait lire ce qu’il a écrit, il va lire tous les types d’écriture sans avoir à les apprendre. Notre cerveau est fait pour ça. Il va falloir de temps en temps apporter une réponde à cette question : « quelle est cette lettre ? » car certaines sont plus différentes que d’autres dans les différentes écriture. Mais l’enfant va absorber cela très vite une fois que son cerveau est lancé dans le mécanisme impliqué pour la lecture.
Ça c’est ce qu’il se passe dans une école Montessori. Après si l’enfant va dans une maternelle publique et fait du Montessori à la maison par exemple, il peut très bien apprendre avec la chronologie et le matériel Montessori à écrire et à lire à la maison et en parallèle apprendre les capitales à l’école. Mais il ne sert à rien d’apprendre le script, cela vient tout à fait naturellement une fois que l’enfant sait déchiffrer puis lire.
J’espère que ma réponse est utile. 🙂