Éducation à la maison version Montessori

Interview : J’ai décidé de ne pas scolariser mes enfants

Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter Gwen, une maman qui a décidé de ne pas scolariser ses enfants et de faire l’Instruction en famille (IEF) avec pour trame de fond, la pédagogie Montessori. J’ai rencontré Gwen sur le web grâce à mon blog, nous avons échangé autour d’un de mes articles et comme la curiosité est une de mes grandes qualités 😉 je suis allée visiter son blog que j’ai trouvé très intéressant. Sur son Blog Petit Bou(t) par petit Bou(t), Gwen nous livre son quotidien de maman avec F., son fils de 4 ans ½ et E., sa fille de 2 ans ½.

Aujourd’hui, elle a accepté de répondre à mes questions et je vous laisse découvrir ses réponses.

Comment as-tu pris la décision de ne pas scolariser tes enfants et de faire l’Instruction en famille ? Ton conjoint était-il convaincu lui aussi ?

Cela m’est venu très progressivement. À la naissance de notre aîné, F., par exemple, ce n’était absolument pas au programme. La maison achetée à l’époque avait même comme avantage d’être toute proche d’une école.
Mais ma meilleure copine, qui avait eu ses premiers enfants avant nous, a commencé à s’intéresser au sujet… ça m’a beaucoup surprise, alors j’en ai discuté avec elle. A l’époque, mon boulot me passionnait trop pour envisager de rester à la maison, et F. était encore un bébé, donc j’avais du temps devant moi.

Ce qui m’a poussée à approfondir ensuite, c’est la découverte du concept des périodes sensibles chez M. Montessori, et la manière dont j’ai pu observer sa justesse avec F. à partir de 18 mois : il s’est passionné pour les formes géométriques et le vocabulaire associé assez tôt (20 mois, alors qu’il ne disait quasiment aucun mot), et c’était une obsession. En revanche, quand quelques mois plus tard, j’ai voulu lui apprendre les couleurs, j’ai fait un bide total. Puis hop, quelques semaines plus tard, c’est lui qui s’y est intéressé, et au bout de 2-3 semaines où il ne vouloir faire que ça, c’était intégré (y compris la différence entre mauve et violet, par exemple!).
C’est vraiment à ce moment-là que j’ai commencé à me dire qu’asseoir 30 enfants pour leur enseigner la même chose au même moment n’était peut-être pas ce qu’il y avait de plus adapté…
Notre découverte de la parentalité positive et de l’importance d’apprendre à l’enfant à gérer et exprimer ses émotions, a aussi beaucoup contribué à notre choix : cela demande beaucoup d’attention et de temps passé avec l’enfant, du temps dont une instit ne dispose pas!
Ce ne sont pas les seuls points qui nous ont poussés à choisir l’IEF (j’en mentionne d’autres dans ce billet), mais ils ont été déterminants. La dernière étape a été ensuite de me renseigner concrètement sur les difficultés de l’IEF et d’identifier quelles stratégies je pouvais mettre en place pour que ça se passe bien: comment faire en sorte que mes enfants ne manquent pas de contacts avec d’autres enfants, par exemple. J’ai été très rassurée de constater qu’en fait, chaque problème pouvait avoir sa solution, il fallait juste prendre le temps d’y penser.

Mon conjoint était comme moi au départ : dubitatif. Il l’est resté plus longtemps… Ceci dit, étant franco-allemand, la maternelle ne lui semblait pas indispensable non plus: en Allemagne le Kindergarten auquel vont les enfants (et pas tous!) jusqu’à 6 ans est un univers de jeux, on n’y fait rien d’académique et cela n’empêche pas les apprentissages de se faire ensuite.
Ensuite, il a été rassuré par mon enthousiasme modéré pour le sujet : je ne suis pas partie en mode « JAMAIS je ne scolariserai les enfants! », mais plutôt en disant « on pourrait faire une année, voir comment notre fils et moi nous la vivons, puis selon le bilan on rempile pour une année, et ainsi de suite ». Cela le rassure beaucoup et maintenant il est très zen pour toute la durée de la maternelle. En revanche, je crois qu’il aura besoin d’être rassuré pour oser sauter le pas d’une non-scolarisation en CP, si c’est la voie que nous choisissons! Mais voir F. s’intéresser aux lettres en fin de 1ère année d’IEF lui a déjà permis d’avancer un peu: « ah ben oui, c’est sûr que s’il sait déjà lire avant l’entrée au CP, ce ne sera peut-être pas très malin de l’y mettre” » a-t-il ainsi murmuré à ce moment…
Ceci dit, il a également encore des inquiétudes sur l’aspect social / exclusion / regard des autres, et celles-ci, il n’y a que le temps et l’expérience qui nous prouveront que tout se passe bien, et pourront le rassurer totalement… Affaire à suivre !

Pour accompagner ton fils dans son développement et lui apporter matière à travailler, tu t’appuies sur la pédagogie Montessori. Comment et quand l’as tu découverte ?

Je l’ai également découverte par le biais de ma meilleure copine, elle aussi en IEF version Montessori. Quand mon aîné a eu 15 mois, j’ai commencé à lire vraiment son blog. Puis une fois en arrêt maladie pour la grossesse de ma deuxième, j’ai complété avec d’autres blogs, puis je suis allée lire l’esprit absorbant de l’enfant et l’Enfant de Maria Montessori et cela m’a sidérée !
J’étais très méfiante au départ car le fait de ne pas donner de notes, de mettre l’enfant en acteur de son savoir, de le faire expérimenter etc., sont des maximes parfois reprises par l’Education Nationale et dont je voyais surtout qu’elles servaient à camoufler des baisses de niveau ou d’exigence. Alors quand je lisais que c’était tiré de Montessori, je n’avais pas vraiment confiance.

Mais avoir lu ses bouquins permet de comprendre le système global dans lequel ces éléments s’inscrivent. Et quand je suis tombée sur les pages où M. Montessori elle-même mettait en garde contre le fait d’extraire un ou plusieurs éléments de sa philosophie sans prendre l’ensemble, à des fins démagogiques, j’ai bien rigolé : c’était donc ça le problème ! Ça m’a totalement détendue : ce n’est pas parce que certains font un mauvais usage de réflexions développées par Maria Montessori, ou les récupèrent même pour des buts contraires aux siens, que lesdites réflexions ne sont pas valables.

  

As-tu suivi une formation à la pédagogie Montessori ?

Hélas non ! J’y ai beaucoup réfléchi mais ce serait compliqué à organiser.
Par ailleurs, je n’ai pas la prétention de faire du 100 % Montessori, parfait.
Je pense qu’il est indispensable de disposer d’une formation Montessori rigoureuse pour enseigner à une classe, où la dynamique est différente. En IEF, c’est autre chose : on enseigne à ses propres enfants, on a plus de temps pour les observer, on peut davantage se permettre de tâtonner, de bricoler avec d’autres pédagogies, de faire à sa sauce. Donc je me renseigne autant que possible à l’aide des excellents blogs qu’on peut trouver sur internet, je profite à fond de l’expérience de ma copine, et ensuite, vogue la galère.

Peux-tu nous décrire une journée type d’IEF chez toi ?

Lever autour de 8h, habillage, petit déjeuner et rangement (je tiens à ce que mes enfants participent un maximum à l’entretien de notre environnement).
vers 10h au plus tard, nous nous retrouvons dans la salle de classe. Depuis notre récent déménagement, celle-ci est vraiment grande et c’est un vrai plaisir! Nous y restons entre 1h et 1h30 selon le degré de concentration des enfants : ils se servent dans leurs étagères, je présente quelques petites choses, rappelle les règles, note ce qu’ils font pour pouvoir savoir où j’en suis (et le raconter à leur père).
Ensuite, nous allons dehors jusqu’au déjeuner (vers 12h30 – 13h, car mes enfants ne goûtent pas). Ensuite, c’est sieste / temps calme, puis jeux et/ou temps dehors, et éventuelles sorties / activités extra-scolaires / rencontres avec des amis. Avant le dîner, j’intercale parfois encore un créneau de ménage, soit avec eux, soit pendant qu’ils jouent, et ensuite c’est dîner, histoires, rituel du coucher. Je serais bien en peine de spécifier un horaire pour le coup, car ayant récemment déménagé, nous n’avons pas encore réussi à retrouver nos marques d’autant que cela dépend également de l’horaire de retour, très variable pour le moment, de mon mari.

Quel est le matériel préféré de ton fils en ce moment ?

Il a toujours adoré le matériel de géographie, et cela ne se dément pas : le puzzle du planisphère, puis maintenant celui de l’Europe, rencontrent toujours un franc succès.
Sinon, lui qui les avait snobées pendant longtemps, s’intéresse en ce moment beaucoup à mes boîtes à son (un des rares matériels que j’ai fabriqué moi-même, car je suis très peu douée en travaux manuels!)

Proposes-tu aussi des activités Montessori à ta fille de 2 ans ? Peux-tu nous dire quelles sont ses favorites ?

Oui ! Autant l’an dernier je faisais classe à F. seul, pendant qu’elle se baladait dans tout l’appartement, autant maintenant qu’elle est très demandeuse, elle a sa place en salle de classe. Elle est à fond sur les versés et les cadres d’habillage (fermeture éclair de jupe, boutons pression). Et puis, tout dernièrement, elle se met aux blocs de cylindres et à la tour rose avec passion ! (une passion que n’a jamais démontrée son frère).

Comment arrives-tu à gérer le quotidien entre l’IEF, l’entretien de la maison, ta vie de couple et tout le reste ? As-tu des conseils à nous donner ?

C’est une question essentielle ! Surtout qu’au départ je ne suis absolument pas quelqu’un d’ordonnée. Pour l’entretien de la maison, la découverte de Flylady m’a sauvée, et j’incite vraiment toute personne vivant dans le bazar à se pencher dessus. Chez moi, cela a fait des miracles. Du coup, avec ça je « découpe » l’entretien de la maison en toutes petites tâches qui passent « sans douleur » dans le quotidien.
Pour notre vie de couple et ma vie personnelle : excellente question, ça, un point très important !
Un premier pilier est le sommeil des enfants ; en ce moment où les couchers sont ultra perturbés notamment par le déménagement, c’est très dur, mais sinon, le fait d’avoir des horaires réguliers où à défaut de dormir, les enfants sont dans leur chambre, me permet / nous permet d’avoir du temps pour soi, pour nous.
Le deuxième pilier, j’y reviendrai encore dans ta question suivante, mais c’est le fait de faire garder nos enfants. A mes yeux, un couple a besoin de temps pour parler, rigoler, faire des choses agréables ensemble, pour que le lien subsiste. Et les enfants en profitent bien davantage qu’ils ne pâtissent de l’absence des parents pendant ce temps-là !
Sans exagérer, non plus hein, il ne s’agit pas de laisser un enfant de 1 mois pour partir 15 jours aux Seychelles 😉
Mais nous sortons au minimum une fois par mois au resto tous les deux, en faisant appel à des babysitters, et maintenant, une fois par trimestre, nous nous faisons une journée entière en amoureux (quand nous étions en Alsace, par exemple, nous étions allés à Europapark, un parc d’attractions qui vaut mille fois mieux que Disneyland : nous avions fait les gamins, sans gamins !, pendant une journée complète et étions rentrés avec nos batteries rechargées !)
Nous aimerions partir en week-end ou 3-4 jours en amoureux, ce que nous avons fait l’été suivant les 1 an de notre aîné, puis de notre fille, en les laissant à nos parents, mais depuis que nos relations se sont tendues justement sur des questions d’éducation, c’est inenvisageable pour nous. Cela nous manque ! C’est pourquoi nous allons voir pour faire des échanges de week-ends avec de bons amis connaissant bien nos enfants, et avec lesquels nous sommes en ligne du point de vue éducatif : un week-end dans l’année, accueillir leurs enfants, un autre week-end, leur confier les nôtres.

Quand on pense IEF, on imagine une maman 24/24 avec ses enfants. Arrives-tu à prendre du temps pour toi, à te faire aider ou faire garder tes enfants ?

Alors justement, oui ! On parle de plus en plus du burn-out de la maman au foyer, et c’est fréquent dans le monde de l’IEF ! Donc un point non négociable dans le budget est que celui-ci doit inclure quelques heures de garde (en journée) par semaine. La garde à domicile, avec les aides CAF, est beaucoup plus abordable qu’on ne le croit !
Cela leur permet d’avoir confiance dans d’autres personnes que moi, de vivre des choses différentes, et moi, cela me permet de garder mon équilibre : je me repose, je fais du shopping ou même des courses bêtes et méchantes mais seeeeeule. Je vois des copines, je recharge mes batteries ! J’en profite aussi pour, parfois, avoir une toute petite activité pro (enseigner mon métier d’origine dans l’enseignement supérieur).
Cette année, j’ai même réussi à leur trouver un mode de garde en allemand, comme ça je fais coup double 😉

Sais-tu déjà jusqu’à quel âge tes enfant seront en IEF ? Seront-ils scolarisés plus tard ?

Comme évoqué dans la première question, nous sommes partis sans idée préconçue : chaque année, un petit bilan, et hop, on continue ou on arrête ? Et plus j’avance, moins je me fixe de limite, haute ou basse. Si ça nous convient, on ira jusqu’au bac comme ça ! (enfin, ça c’est moi qui le dis. Mon mari lèverait les bras au ciel ! Mais quand je vois comment il apprécie la manière dont ça se passe depuis plus d’un an maintenant, je vois bien que si je suis motivée, lui se laissera toujours convaincre de faire « un an de plus »)
Ou peut-être qu’il y aura des alternances, des moments où les besoins des parties concernées seront mieux couverts par une scolarisation, puis d’autres où nous choisirons un retour à la maison. Un point important est que je dois continuer à m’y retrouver, personnellement. Si cela devient un truc que je fais juste par sacrifice, je crois que ce serait à la fois trop lourd à porter pour moi, et trop lourd à faire porter aux enfants.
Un autre point est la qualité des alternatives : à Strasbourg où nous habitions avant, je n’avais aucune école « correcte » à mes yeux à proximité : ça poussait fort pour que l’IEF dure longtemps. Maintenant, nous sommes à un quart d’heure d’une chouette école Montessori. Du coup, peser le pour et le contre peut aboutir à un résultat différent. Si nous scolarisons l’un ou l’autre de nos enfants un jour, ce sera probablement là ! Mais ce n’est pas gratuit, oh ça non ! Ce qui incite quand même à poursuivre l’IEF tant que cela nous convient bien.

Je te remercie beaucoup Gwen de t’être prêtée à ce petit exercice :). Cela m’aide à mieux visualiser ce qu’est l’IEF. Cela fait un moment que je me pose la question pour Charlie qui vient d’avoir 2 ans, suivra-t-il les pas de sa sœur en école Montessori ou ira-t-il dans l’école publique où elle se trouve actuellement et nous pourrons continuer le co-schooling (instruction complémentaire à la maison grâce à une pédagogie différente de celle proposée à l’école, ici Montessori) ou home-schooling = IEF version Montessori pour nous…?

J’espère en tout cas que cet article vous a plu, vous aura ouvert, qui-sait, de nouvelles perspectives…
Si vous aussi vous souhaitez témoigner de votre application de la pédagogie Montessori à la maison, envoyez-moi un mail via le formulaire de contact de la page à propos.
N’hésitez pas à liker et à partager l’article si vous l’avez aimé et si vous pensez qu’il peut intéresser d’autres parents.

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